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Manding land : favourite land of Malian griots |
Le Pays Mandingue ou le Mandé, qui couvre les cercles de Kangaba, de Kita et de Kénieba, est la résidence des plus grands griots du Mali. Ainsi, dans chaque village, il y a un griot qui tient pour ainsi dire la chaire d'histoire du village, on l'appelle Belen-Tigi c'est lui qui connaît toute l'histoire du village et de la région que son prédécesseur lui a enseignée pendant de longues années ; le Belen-Tigi connaît l'histoire de toutes les tribus qui peuplent sa "province", il connaît la liste des chefs qui se sont succédés depuis un temps très lointain. Plus souvent, on trouve par province un village de griots et c'est là où se trouve le Belen-Tigi ; dans chaque province, il y a un village des Anciens, la fondation la plus ancienne où se conserve également la tradition historique de la province. Un Belen-Tigi en général fait toujours son "Tour du Manding" : il passe dans les villages aux traditionalistes célèbres ; Kela près de Kangaba (cercle de Bamako) est le centre traditionaliste le plus fameux, tout Belen-Tigi doit pouvoir se vanter d'avoir reçu une partie de son enseignement à Kela. Ce village habité par les griots Diabaté ou Dioubaté est devenu le centre "traditionaliste" par excellence où l'on enseigne outre l'histoire, l'art oratoire.
Petite histoire de griots : dans la grande famille des Diabaté de Kela |
Les Diabaté de Kela constituent un véritable clan dont les ramifications ont donné naissance à plusieurs concessions.
Grâce à la notoriété de ces familles, Kela une bourgade d'à peine 2000 habitants est devenu l'un des villages les plus connus du Mali. Ses griots sont avec ceux de Kita et de Niaganssola les paroliers les plus émérites et les plus actifs du Pays Manding.
Mais qui sont les Diabaté de Kela qui forcent l'admiration et le respect dans le très grand cercle des djéli ? Le premier descendant de Damary Diabaté (un des ancêtres les plus célèbres du clan) à avoir fait connaître son nom au-delà des limites de la contrée fut Kela Balla n°1. Maître parolier, artiste de renom, c'est lui qui est à l'origine de la notoriété de Kela et de ses griots.
Sa maîtrise de l'art était telle que l'empereur lui-même, l'Almamy Samory Touré, au faîte de sa puissance, lui a offert une soixantaine d'esclaves. Et , plutôt que de précipiter le petit village sans défense dans son giron, le belliqueux roi du Wassoulou, admiratif du talent du grand griot, épargna à son village les affres de la guerre. D'abord facile, humble, Kela Balla définissait le griot comme un homme capable de se sacrifier pour autrui. Grand médiateur des conflits, il voyageait de royaume en royaume pour éteindre les foyers de tensions dans la région. Avocat infatigable des vulnérables, Kela Balla n°1 protégeait les faibles contre la toute puissance des forts. Il savait tirer parti des légendes, contes et des parodies pour attirer l'attention des chefs sur les déshérités ; les pauvres et les laissés pour compte. C'est lui également, grand-maître des cérémonies, qui avait la garde de la case sacrée de Kangaba.
C'est l'histoire de tous ces griots charismatiques qui fait qu'aujourd'hui le petit village perdu au cour du Pays Manding s'impose comme le microcosme des griots ouest-africain. L'autre porteur du flambeau des Diabaté est Nansa Balla, ou Kela Balla n°2, dont la renommée a aussi dépassé les frontières. Sa tombe reste encore un lieu de pèlerinage pour sa postérité et ses anciens disciples. "Il a été", rapporte Mody Soumano, animateur à la radio et à la télévision du Mali, "l'un des rares griots dont le corps a eu l'honneur d'être recouvert du drapeau national."
Aujourd'hui la préoccupation des Diabaté est la question de l'unité et de l'entente dans la grande famille de griots. Il veillent à la bonne transmission de leurs valeurs aux générations suivantes car "Ici, on ne devient pas griot, on naît griot." |