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Les griots (jèlí en malinké, jèlílu au pluriel) sont des gens appartenant à la caste des “ñàmàkálá”. Ce mot, d'origine soninké(1), est difficile à traduire et désigne une réalité complexe de la société mandingue. Massa Makhan DIABATÉ, dans Janjon et autres chants populaires du Mali, l'a traduit poétiquement par la grave expression : “manche du maléfice” c'est-à-dire “antidote du mal”. Cependant, les griots rattachent plus couramment ce mot à une étymologie populaire, comme nous l'explique le griot traditionaliste Djeli Baba Sissoko : “ñàmàkálá”, cela veut dire : « Lier les gens pour qu'ils s'entendent. “Les lier”, que signifie cela chez nous en bamanan ? En langage courant, terre à terre (“Niamma I ka u kala” = aide-moi à les coudre). Parler de façon à ce que les gens s'entendent, qu'ils n'aient pas de différents. Ceci signifie “être niamakala.” ». Djeli Baba Sissoko fait une nette différence entre les “niamakala” (intermédiaires) et les “djèlilu” (griots qui font profession de musique et de chant) ; voir plus bas. source : www.babasissoko.com
En réalité, ce mot, comme bon nombre de notions malinké, a beaucoup de significations (péjoratives ou mélioratives) selon le contexte. Pour simplifier, la “ñàmàkáláya” constitue un ensemble de gens d'une caste qui ont vocation à certains travaux artisanaux ; on peut dire que cette caste rassemble une grande partie des “gens de l'art” (art, dans un sens bien concret) du monde malinké. Pour en savoir plus, voyez le chapitre 5 du livre de Sory CAMARA, Gens de la parole, Essai sur la condition et le rôle des griots dans la société malinké [bibliographie] ; ce chapitre est entièrement consacré à la définition et aux multiples aspects de cette réalité. Au sein de cette caste, une hiérarchie existe et les griots en sont les personnes les plus considérées.
Ainsi, par ordre hiérarchique croissant, sont “ñàmàkálá” : les gens de forge (nùmú, en malinké) les artisans du cuir ou cordonniers (kárãké ou garanké) les artisans du bois (kùlé) les gens de parole (fínà, fínè ou fùnè) : griots particuliers qui ne disposent que de la parole ; les griots (jèlí, pluriel jèlílu, féminin jèlímusow) proprement dits qui disposent de la parole, du chant et de la musique comme ils l'entendent. Parmi les griots donc, il existe des catégories selon les spécialités qui hiérarchisent les rapports. Certes, la forte rivalité entre fínàlu et jèlílu ne permet pas vraiment de distinguer une véritable supériorité sociale d'un groupe par rapport à l'autre ; par contre au sein même de la catégorie des jèlílu, une nette et stricte hiérarchie existe : “En tête des jèlí viennent les joueurs d'instruments à cordes. En deuxième lieu viennent les griots jouant du xylophone : báláfolá et les joueurs d'instruments à vent : bùdùfolá et fìlèfolá. En dernier lieu : tous les autres griots et surtout ceux qui usent des instruments de percussion (tambours surtout). ” source : Sory CAMARA, Gens de la parole, Essai sur la condition et le rôle des griots dans la société malinké
Quoi qu'il en soit, tous les griots ont en commun d'être des “gens de caste” : à ce titre, ils sont tous soumis à des règles strictes, dont peu s'affranchissent, même aujourd'hui ; les principales règles sont : l'endogamie (mariage au sein de la même caste) ; les épouses des griots et des ñàmàkálálu en général, appartiennent elles aussi à cette caste ; très souvent, elles font aussi profession de jèlíya (art du griot), et deviennent des cantatrices célèbres (jèlímusolu). le devoir de dépendance financière et /ou (au moins) morale à un patron ou à une famille, nommé “(d)jatigui” ; en échange de bienfaits ou d'un certain confort matériel offert par son / ses “djatigui”, le griot chantera, à l'envi, ses louanges et le panégyrique de son clan. Le “djatigui” serait l'équivalent d'un mécène en Occident. l'obligation de devoir de réserve et de secret sur les familles du Mandé.
Les griots sont les dépositaires de la mémoire et de l'histoire du Mandé. Aujourd'hui, les griots sont surtout connus comme chanteurs et musiciens. Cependant, avant tout, les griots sont restés des “maîtres de la parole” ; ce sont eux qui font et défont les réputations, apaisent ou excitent l'ardeur des chefs, relatent et magnifient la naissance, l'apogée ou la chute d'un état, et font entrer dans la légende tel brave ou en sortir tel méchant guerrier. C'est pourquoi, tant qu'existeront les traditions mandingues, ces mots du célèbre griot Mamadou Kouyaté resteront d'actualité : “Nous sommes des sacs à paroles, nous sommes les sacs qui renferment des secrets plusieurs fois séculaires. L'Art de parler n'a pas de secret pour nous ; sans nous les noms des rois tomberaient dans l'oubli, nous sommes la mémoire des hommes ; par la parole nous donnons vie aux faits et gestes des rois devant les jeunes générations. Je tiens ma science de mon père Djeli Kedian qui la tient aussi de son père ; l'Histoire n'a pas de mystère pour nous ; nous enseignons au vulgaire ce que nous voulons bien lui enseigner, c'est nous qui détenons les clefs des douze portes du Manding...” © D.T. NIANE, Soundjata ou l'épopée mandingue [bibliographie]
Jusqu'à présent, on ne connaît pas l'origine exacte du mot « griot ». La première fois qu'il apparaît dans un Français est dans le manuscrit d'un gouverneur de la Compagnie du Sénégal, à la fin du XVII° siècle, Le premier voyage du sieur de La Courbe fait à la Coste d'Afrique en 1685: “Cependant que les guiriots faisoient merveille à chanter mes louanges et celles de leur maître et accompagnoient leur voix d'un petit luth à trois cordes de crins de cheval qui n'est pas désagréable à entendre ; leurs chansons sont martiales, disant en vous nommant que vous estes d'une grande race, ce qu'ils appellent en François corrompu grands gens”. Selon Labouret, le mot « griot » serait d'origine portugaise : “On peut se demander si cette expression désignant les musiciens, chanteurs, baladins, troubadours de la suite des princes et des grands au Sénégal, ne vient pas elle aussi du négro-portugais. Elle dériverait dans ce cas du verbe criar : élever, éduquer, instruire ; d'où le titre de criador, nourricier, patron ; criado : qui a été nourri, élevé, éduqué, qui vit dans la maison du maître ; par suite, dans le sens étendu : domestique, dépendant, client favori.” « À propos du mot griot », Notes africaines, 1959. Cette hypothèse est contestée par des spécialistes. D'autres disent que le mot « griot » viendrait du mot portugais « criardo » : « le crieur » public. Bien évidemment, les Malinkés ne nomment pas les gens de cette caste ainsi, mais ils emploient le mot “ jèlí ” ou “ jàlí ”. En fait, les griots disent rarement “jèlí” mais plutôt “jàlí” quand ils parlent d'eux-mêmes ; au pluriel, “jàlílu”, au féminin “jàlímussow”.
La « jaliya », c'est un don de dieu pour notre édification ; par leur art, les griots nous enseignent les bases d'une morale simple, efficace, quotidienne : mettre notre coeur en paix, remettre l'équilibre en notre esprit, et contribuer à la concorde entre les gens.
________Notes :1. [ Wikipédia] Les Soninkés sont une ethnie mandingue d’Afrique de l'Ouest sahélienne, présente surtout au Mali le long de la frontière sénégalaise entre Nara et Nioro du Sahel, ainsi qu'au Sénégal et en Mauritanie. Ils se désignent eux-mêmes par le mot “soninké” qui est en réalité le singulier du mot “soninko”, mais sont également appelés Sarakholés par les Wolofs, Marakas par les Bambaras, Wangara par les Malinkés, Wakoré par les Sonrhaïs, ou encore Toubakaï... Lire la suite sur Wikipedia. [retour au texte] |
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