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Issa Bagayogo est né en 1961 à Korin, un petit village à 65 km de Bougouni,
la principale ville de la province du Wassoulou. Dans sa famille, on naît cultivateur, alors, comme ses frères, il apprend d'abord à manier la houe. Mais comme toujours au Mali, les travaux des
champs se font en musique et le jeune Issa est très attiré par cet aspect de la tradition. Il commence par se servir du daro, une cloche de fer que l'on fait tinter pour stimuler les travailleurs. A
12 ans, il découvre le kamalen n'koni
(littéralement guitare des jeunes) et passe alors le plus clair de son temps libre à s'exercer sur son instrument.
Devenu adulte, son aisance va grandissante et lorsqu'il improvise de sa belle voix grave en s'accompagnant du kamalen n'koni, il se rend compte qu'il capte
l'attention de tous. En 1991, Issa Bagayogo décide de franchir le pas et monte à Bamako avec l'idée de faire carrière dans la musique. Mali K7 a été monté par Philippe Berthier, un disquaire lyonnais
tombé amoureux du Mali et de sa musique. En s'associant avec le guitariste d'Ali FarkaAli Farka Touré (1939~2006) était un véritable guitar
hero de la musique mandingue qui fit évoluer le style traditionnel vers la modernité... Lire la suite., il a fait de cet endroit la plus importante structure légale de production.
Lorsqu'Issa Bagayogo se présente à Mali K7, le studio recherche justement un joueur de kamalen n'koni et c'est ainsi qu'il enregistre sa première cassette. Ses
premières chansons ont peu d'impact et Issa est obligé de retourner dans son village, mais la vie des champs lui paraît vite monotone. Aussi en 1993, il retourne à Bamako enregistrer ses nouvelles
chansons. Cette deuxième cassette ne remporte pas plus de succès, mais il n'est pas question pour Issa de retourner vivre à Korin. Pour vivre, il devient chauffeur de bus, mais pour gagner assez
d'argent, le conducteur des fameux minibus vert de la capitale malienne est obligé de travailler nuit et jour en traversant la ville le plus rapidement possible afin de transporter un maximum de
clients. Pour tenir le coup, les chauffeurs ont souvent recours à des amphétamines et Issa s'adonne à ce douteux traitement médicamenteux. Devenu taciturne et aigri, Issa perd le contact avec sa
famille, sa mère se désole et sa femme demande le divorce.

C'est alors qu'entre en scène Yves Wernert. Cet ingénieur du son et ancien bassiste du groupe pop français "Double Nelson"
est, lui aussi, tombé amoureux de la musique malienne et, au fil des voyages, a fini par décider de s'installer à Bamako. Il s'est associé avec Philippe Berthier qui lui confie la direction
artistique des productions Mali K7 et les clés du studio Bogolan. En écoutant les archives, Yves Wernert tombe sur les anciens enregistrements d'Issa. Ce qu'il entend correspond exactement à ce qu'il
recherche pour réaliser ce qu'il a en tête. Il demande à Moussa Koné, ex guitariste d'Ali FarkaAli Farka Touré (1939~2006) était un véritable
guitar hero de la musique mandingue qui fit évoluer le style traditionnel vers la modernité... Lire la suite., peintre et agitateur culturel, de trouver Issa. Après des semaines
d'enquêtes, Moussa finit par retrouver la trace du joueur de kamélé n'goni et le ramène au studio Bogolan. Là, Issa passe une journée à coucher ses nouvelles chansons sur la bande, il est ravi, mais
lorsqu'il revient le lendemain, il est effrayé par ce qu'il entend et sort du studio en courant. Yves Wernert a passé une bonne partie de la nuit à ajouter des effets sonores et des rythmes
numériques par dessus la voix et les arpèges de kamélé n'goni. Après s'être fait expliquer le processus technique qui a ainsi transformé sa voix et ses chansons, Issa Bagayogo accepte l'aventure
qu'on lui propose. Le disque "Sya" est un succès. Sans compter les inévitables et innombrables copies pirates, 15000 cassettes légales sont vendues au Mali, Issa est devenu une star sous le sobriquet
de "Techno Issa". En mars 1999, la radio-télévision nationale et les professionnels lui décernent le prix du meilleur espoir de la chanson malienne.
Son succès ne se cantonne pas au Mali et son premier album est remarqué en Europe et aux Etats-Unis. Fin 2000, Issa
Bagayogo se produit en France pour la première fois, lors du festival Africolor. Sur scène, le show d'Issa Bagayogo, qui mélange musiciens maliens et européens convaint. Il finit par attirer
l'attention de nombreux programmateurs à travers le monde. Un contrat entre Mali K7 et le label américain Six degrees fait bénéficier à son second album, Timbuktu, d'une
sortie mondiale en février 2002.
En étant le premier musicien africain à mélanger rythmes techno et musiques traditionnelles, Issa Bagayogo est entré dans l'Histoire.
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